Dans le monde des desserts d’aujourd’hui, un blanc-manger est une gelée sucrée de lait d’amande, souvent enrichie de crème. Le Larousse Gastronomique (édition récente) précise qu’au Moyen Âge, ce nom ne désignait pas seulement un entremet sucré au miel et aux amandes, mais aussi une gelée de viande blanche ou de volaille.
Une définition qui était toujours d’actualité au XIXe siècle si on en croît les recettes déclinées dans le premier livre de cuisine genevois. La première met en scène un jarret de veau dont laisse gélifier le bouillon de cuisson, avant de le dégraisser et de vérifier qu’il soit tremblotant. La ménagère de l’époque y ajoutait alors un quart de livre d’amandes bien pilées, un demi-quart de livre de sucre, de l’eau de fleur d’oranger. Elle faisait « cuire deux ou trois ondes » avant de passer dans un linge.
La version à base de volaille exigeait d’utiliser les blancs d’un chapon bouilli. On les « battait » en compagnie de quatre pintes de lait et de deux onces d’amandes douces. Il fallait alors « exprimer fortement le tout, faire bouillir l’extrait avec trois onces de farine de ris (sic). Lorsque le mélange commence à prendre, y mettre une demi-livre de sucre blanc, dix cuillerées d’eau rose et bien mêler le tout. » On a de la peine à imaginer le mets servi, non ?
Mais pas question de se contenter de ces recettes simplettes. Essayons la version suivante qui nécessite la viande blanche d’un chapon, celle de deux perdrix rôties, quatre onces de mie de pain très blanc. Il faut broyer le tout en ajoutant du bouillon pour former une pâte. Cette dernière doit bouillir pendant deux heures dans une « quantité suffisante de bouillon ». On obtient une consistance de crème à passer au tamis fin. Notons que cette préparation ne contient pas de sucre.
L’auteur(e) de la Cuisinière genevoise propose enfin un « blanc-manger pour tenir lieu de bouillon le matin ». Le fond de volaille ou de veau est réduit de moitié à petit feu. On ajoute un quart de livre d’amandes douces et trois cuillerées d’eau rose. On remet sur un feu modéré jusqu’à prise de consistance et on passe à l’étamine. Ajoutons sucre « en suffisance » et un peu de cannelle. La recette indique qu’on « peut y mettre un peu d’ambre ou de musc, un peu d’eau de fleur d’orange (sic) ou jus de citron ou d’orange, qu’on fait bouillir un ou deux bouillons ».