L’art d’apprêter les artichauts

Les artichauts, principalement bretons, avaient beaucoup de succès à Genève au début du XIXe et les cuisinières les apprêtaient de multiples façons. Les recettes de l’époque ne détaillaient pas la manière de les découper, on en déduit que dans la majorité des cas ils étaient servis entiers. Il fallait bien les laver, les bouillir, les serrer et les mettre à égoutter sur un plat « dans un petit feu ».
Ils étaient alors agrémentés de beurre noir, par exemple. On met du beurre frais dans un ustensile, on le fait cuire « jusqu’à qu’il ne parle plus », on ajoute poivre et sel et on le verse sur les artichauts. Si on les faisait « au jus », on laissait « les culs entiers » qu’on faisait cuire avec un bon bouillon additionné de jus de viande. Un fond qui sera enrichi de beurre roulé dans la farine assurant une liaison. 
Dans les maisons bourgeoises, on les farcit. La cuisinière fait cuire de la mie de pain blanc dans du bouillon, elle hache des foies et des tettines (sic), elle mélange bien le tout, sale et poivre. Elle met cette farce sur chaque artichaut, les fait passer dans du beurre frais et ajoute du bouillon lié aux jaunes d’œufs.
Sans doute pour les conserver plus longtemps, les artichauts sont aussi séchés. Effeuillés, cuits dans l’eau jusqu’à ce que le foin s’ôte aisément, plongés dans l’eau froide, soigneusement égouttés et mis à four pas trop chaud (« on peut pouvoir y mettre la main sans se brûler ») jusqu’à sèchement total. Pour les utiliser, on les fait revenir dans le bouillon tiède. Ils sont alors farcis, frits et servis avec une sauce après avoir parsemé de petites herbes à la surface.
Dans la Cuisinière genevoise (1817), on trouve même une recette d’artichauts à la « bérigoule ». Une appellation qui deviendra « barigoule » dans La cuisine des familles de Louis Maillard (1893). Dans le premier ouvrage, une fois lavés, bouillis et égouttés, ils sont farcis de beurre, puis d’huile d’olive chaude. Dans le second, l’auteur choisit de petits artichauts, les pare, les blanchit pendant quelques minutes. Parallèlement, il prépare un hachis d’oignon, ail, persil, mie de pain blanche et champignons. Il le passe au beurre ou à l’huile, le sale et le poivre. Il insère alors cette farce entre chaque feuille et dans le fond des artichauts. Ces derniers sont alors bardés, placés debout et serrés dans une casserole ou un plat, arrosés de beurre et de vin blanc et cuits à feu doux sur le feu ou au four. On les sert arrosés de leur jus de cuisson.